Les prédictions du Marshmallow Test

Tout le monde connait le Marshmallow Test, qui consiste à placer une guimauve dans une assiette, où deux choix était proposés au participant : manger la guimauve avant le retour du surveillant ou attendre son retour pour recevoir une deuxième guimauve.

À priori, il permet de mesurer la patience du candidat au test. Sauf que ce test révèle bien plus que cela. Walter Mischel, psychologiste américain, avait soumis de larges échantillons d’enfants au Marshmallow Test. Le résultat était en apparence étonnant. Il remarqua que les enfants peu patients étaient susceptibles d’avoir des problèmes de comportement, tant à l’école qu’à la maison. Les enfants patients obtiennent de meilleurs scores au SAT. L’enfant qui pouvait attendre quinze minutes avaient un score SAT de 210 points supérieur à l’enfant qui ne pouvait attendre que trente secondes avant de dévorer la guimauve. En outre, les plus patients étaient moins susceptibles de lâcher l’école, et avaient des revenus sensiblement plus élevés que les plus impulsifs. Ces derniers avaient plus de problèmes d’alcool et de drogues.

L’explication de Mischel and co. est la suivante : les enfants impulsifs sont du genre à regarder la TV plutôt qu’à faire leur devoir. Les enfants patients seraient plutôt du genre à attendre d’avoir fini leur devoir avant d’allumer la console de jeux vidéos. Les gens qui ont une faible préférence temporelle accumulent plus d’économies que les gens qui ont une forte préférence temporelle. Ces derniers dilapident leurs ressources en refusant d’accumuler une épargne, ce qui les empêche de s’enrichir. D’après Mischel and co., ce serait la culture et l’éducation des parents qui permettraient de moduler durablement le comportement des enfants. Ils estiment que les résultats extraits du Marshmallow Test ne dépendent que de l’environnement, et donc, des facteurs socioculturels. Les enfants issus de parents riches évoluent dans un meilleur environnement et finissent par être mieux éduqués que les enfants issus de parents pauvres. Les preuves ne s’alignent malheureusement pas très bien avec cette théorie. Les études montrent que même à statut socio-économique équivalent, les noirs restent largement plus violents que les blancs, et les blancs largement plus violents que les asiatiques. Les noirs sont plus impulsifs que les blancs, et les blancs sont plus impulsifs que les asiatiques. Les facteurs génétiques comme le QI et la testostérone sont une partie de l’explication. Tout ceci a été discuté ici.

Mischel and co. notent que les enfants impulsifs étaient issus de familles défavorisées alors que les enfants patients étaient issus de familles aisées. Confortés par ces résultats, ils estiment qu’il n’existe aucune ‘disparité ethnique’ dans les rendements scolaires. Les deux graphiques présentés dans cet article sont là pour démontrer que cette affirmation est fausse : les asiatiques de parents pauvres à faible niveau d’étude font aussi bien voir mieux que les noirs de parents riches à haut niveau d’étude aux tests SAT.
La maîtrise de soi témoigne d’une faible préférence temporelle. L’épargne rend plus riche, mais elle n’assure pas la réussite professionnelle. Le QI représente bien plus que la simple réussite. La probabilité de finir en prison, d’être criminel, d’avoir des ruptures, d’être pauvre, est plus étroitement corrélée avec le QI que le statut social.

Si le QI précède richesse et statut social, l’inverse n’est pas vrai. Après tout, Gontran Bonheur n’avait pas besoin d’avoir un QI exceptionnel pour réussir ce genre de prouesse. Puisque le QI est fortement prédictif du statut social, les enfants impulsifs de familles défavorisées sont beaucoup plus susceptibles d’avoir un faible QI, et sont donc plus susceptibles d’être noirs que d’être blancs ou jaunes. En d’autres termes, ce n’est pas le Marshmallow Test qui prédit “l’avenir” de ces enfants, mais peut-être le QI. Puisque le QI est une mesure du facteur g (aptitude cognitive générale), un QI élevé implique une meilleure compréhension d’une situation donnée. Les enfants intelligents sont plus réfléchis, et par conséquent plus calmes et plus attentifs. Bien que l’étude de Mischel n’a jamais contrôlé cette variable importante qu’est le QI, il y a de fortes chances que les enfants patients ont un QI plus élevé que les enfants impulsifs, d’autant que les scores SAT sont fortement corrélés (0.8) aux tests de QI.

Mischel a découvert qu’en enseignant le contrôle de soi, en aidant les enfants à focaliser leur concentration mentale sur autre chose que l’objet du désir, un enfant qui pouvait patienter tout au plus 60 secondes pouvait désormais patienter 15 minutes. Mais apprendre aux enfants à faire abstraction de l’objet du désir ne prédit pas que l’enseignement de la patience a des effets à long terme. Et aucune étude à ce jour ne l’a jamais confirmé.

Suite à une étude sur les ‘eighth graders’ (13-14 ans), Angela Lee Duckworth estime que le Marshmallow Test est un meilleur prédicteur de réussite scolaire que le QI, sous prétexte que la maîtrise de soi est plus importante que l’intelligence. C’est oublier que de vastes programmes d’éducation aux USA, comme le Head Start, n’ont jamais réussi à accroitre durablement la performance scolaire des enfants à faible QI. Lire entre autre mon analyse sur l’étude controversée de Duckworth.
Il n’est pas question ici de volonté, mais de capacité; le QI fixant un plafond qu’on ne peut pas dépasser. À effort équivalent, les enfants à fort QI surpassent les enfant à faible QI. Et il est encore important de préciser que le QI n’est qu’à 50% déterminé par les influences génétiques durant l’enfance. À l’âge adulte, le QI est déterminé à 80% par les influences génétiques. Pendant l’enfance, une meilleure maîtrise de soi dans un environnement adéquat peut accroitre les performances scolaires, mais pas l’intelligence générale, ou facteur g. La probabilité d’obtenir un college degree est plus étroitement corrélée avec le QI que le statut social.

Les graphiques ci-dessus sont tirés de l’ouvrage de Murray et Herrnstein, “The Bell Curve” : partie 1, partie 2, partie 3, partie 4, partie 5, partie 6, partie 7. The Bell Curve a été défendu par 52 scientifiques renommés à travers une publication dans la tribune du Wall Street Journal. 131 invitations ont été envoyées aux chercheurs renommés de diverses disciplines. 100 réponses ont été reçues. Parmi les 48 refus de signature, 11 se déclaraient insuffisamment informés, et 10 ne donnaient aucune explication. Sur les 27 restants, 2 acceptaient le contenu mais refusaient de signer “at this time”, 14 acceptaient le contenu mais refusaient de signer par peur d’être “catalogués”, par peur des répercussions, notamment sur le soutien financier, ou en désaccord avec la façon dont la déclaration a été publiée, et enfin, 11 exprimaient un désaccord sur 2 ou 3 points des 25 points de la déclaration, disponible à cette adresse. Linda Gottfredson reconnaît que plus d’un tiers des experts invités ont refusé de signer la déclaration du “Mainstream” pour des raisons de “pression sociale et politique”.

À lire également :
Impact du QI sur l’impatience et l’aversion au risque

5 comments on “Les prédictions du Marshmallow Test

  1. Natrép says:

    J’avais entendu parler d’un test de patience de ce genre il y a des années de cela, et il est vrai qu’il est tentant de faire le lien avec le QI.

    Il serait intéressant de faire les courbes à QI constant selon le statut socio-économique, pour se rendre compte à quel point celui-ci peut influer en lui-même ; il m’est avis que le résultat se rapprocherait sensiblement d’une droite horizontale.

    Avez-vous une explication quant à la corrélation positive entre SSE parental et probabilité de divorce prématuré, d’une part, et SSE parental et forte criminalité, d’autre part, indiquée par les deux graphiques suivants ?


    Peut-être que la richesse s’accompagne d’un relâchement de la morale ? Je ne sais pas, je propose une piste explicative.

    (Une petite remarque d’ordre purement technique : les images de ce billet ne s’affichent pas sur mon écran, sauf quand j’ouvre leur URL propre.)

  2. Votre commentaire a encore été signalé comme un “spam”. Je vais essayer d’arranger ça, parce que ça devient pénible.
    La corrélation positive entre ‘high SES’ et divorce pourrait provenir de ce que les gens riches ont 1) plus de possibilités de changer de partenaire 2) une plus grande sélectivité de leur partenaire. En comparaison, une personne ‘low SES’ ne peut pas se permettre d’être capricieux et faire le difficile. Une femme ‘low SES’ craint sans doute l’idée d’avoir à élever toute seule son enfant. Les ‘high SES’ sont plus exigeants, plus capricieux. Et comme je suppose que les enfants de parents ‘high SES’ sont susceptibles de rester ‘high SES’, le lien est vite fait. Dans ce cas, me direz-vous, pourquoi ‘high IQ’ implique faible taux de divorce ? Je suppose qu’une personne intelligente choisit mieux son partenaire. A contrario, une personne peu intelligente choisit très mal son partenaire, ce pourquoi elle divorce si souvent. Bien sûr, le coût du divorce augmente quand la richesse augmente, ce qui en théorie devrait raréfier les divorces ‘high SES’. Le fait que les ‘high IQ’ divorcent rarement peut clairement donner l’impression que ce sont les ‘high SES’ qui divorcent rarement.
    Sur la corrélation positive entre ‘high SES’ et ‘self-reported crime’, je peux dire qu’au Japon, il arrive que les hommes soient obsédés par la recherche du statut social, de l’échelle sociale, au point qu’ils en oublient leurs femmes et leurs enfants. Ces derniers se sentent parfois seuls et abandonnés. Certains deviennent, comment dire, un peu “nerveux”. Nombreuses sont les littératures japonaises à pointer ce problème de société. Peut-être, comme vous dites, un relâchement de la morale qui a son impact à la fois sur le taux de divorce et le taux de crime self-reported de l’enfant.
    Je précise, sinon, que les auteurs mesurent bel et bien l’effet du QI à SES constant, et l’effet du SES à QI constant.

    • Natrép says:

      Merci pour cette très intéressante et complète réponse. 🙂

      (J’en profite pour dire que le problème d’affichage semble avoir été réglé.)

  3. http://euvolution.com/articles/dukerace.html

    “Many studies showed the greater levels of impulsiveness, aggression and emotionalism in Blacks as compared to Whites. A study that took place in Trinidad compared Blacks and Caucasian immigrants from India. Walter Mischel conducted a study of children in Trinidad in which he gave White and Black children the choice between a candy bar immediately or a larger one a week later. Blacks almost always chose the immediate gratification while Whites usually chose to wait for the bigger reward. The inability of the blacks to delay gratification was so great in comparison with Whites, that Mischel stated that measuring it seemed “superfluous.” Mischel also tried to compare the familial patterns of the blacks who almost always had female-headed households to the East Indian households, but he could not find enough East-Indian households with absent fathers to constitute a statistically meaningful study.”

    Tout ceci concorde bien avec la théorie évolutionniste. Les africains vivant dans un climat chaud où la nourriture était abondante durant toute l’année, ils n’avaient jamais eu besoin de stocker et de conserver la nourriture pour les périodes hivernales comme les pressions de sélections avaient obligé les européens et asiatiques vivant dans les climats froids à retarder la gratification. Puisque les conditions climatiques en Asie étaient plus rudes qu’en Europe, et parce que les asiatiques ont moins de testostérone que les blancs, on pourrait s’attendre à ce que les asiatiques réussissent mieux que les blancs aux Marshmallow Test.

  4. grand homme blanc says:

    on peut trouver les conclusions du Mainstream_Science_on_Intelligence en français ici:
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Mainstream_Science_on_Intelligence

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